Le cirque t’attend : pas de promesse, juste du panache et des cicatrices. deviens héros, martyrs, ou accessoires vivants !

Modulation erratique. Parasites, puis un jingle tordu : un carillon cassé qui joue une mélodie de manège détraqué. La voix de Billy Bob fend l’air, claire, grinçante, presque chaleureuse.

« Mesdames, messieurs, créatures incertaines et mutants anonymes… Ici Billy Bob, votre humble serviteur ! J’suis sur les ondes, j’suis dans l’éther, j’suis peut-être déjà dans votre dos – mais pas d’inquiétude, j’ai les mains pleines de confettis. »

Un rire court, nerveux, suivi du claquement d’un fouet de cirque.

« J’vous lance une invitation. Pas à la guerre. Pas à la chasse. Pas à la diplomatie moisie entre factions qui s’prennent pour des royaumes. Non... j’vous propose une folie douce. Un miracle ambulant. Une caravane de rires au milieu de la ruine : le Grand Cirque de Fractal. »

Le ton devient presque solennel, comme un prêche grotesque sous un chapiteau éventré.

« J’recrute. Pas d’expérience requise. Que tu sois ancien sniper, dresseur de scolopendres géants, illusionniste borgne, acrobate mutant, poète cannibale ou juste paumé dans les gravats avec un soupçon de rêve en miettes... y’a une place pour toi. »


« Le monde est foutu ? Très bien. Alors foutons-le en scène. Que le désert ait son spectacle, que les ruines chantent, que les morts jalousent les vivants, ne serait-ce que pour une heure de représentation. »

Il marque une pause. Un soupir. Puis, plus bas :

« On va pas sauver le monde. Mais on peut l’faire rire avant qu’il s’effondre. Et ça, c’est déjà pas mal. »

Un grelot tinte. Puis un vieux haut-parleur grésille une phrase d'une voix nasillarde comme un slogan oublié :

« La caisse à rire recrute. Venez jouer avant de tomber. »
 


« À Charleroi, on survit par habitude. Dans Fracal, c’est juste pareil, mais sans la RTBF. »


Grésillements suivis de raclements de gorge pour s'élaircir la voix.

Hum hum...

Allo, allo, allooooooo ?

Y'a quelqu'un à l'autre bout du tuyau ?

Marmonne des trucs incompréhensibles à un autre interlocuteur avant de reprendre.

Bobby, Bobby, Bobby...

soupire

Laisse moi t'dire un truc mon p'tit Billy Bob, la clownerie c'est du sérieux c'est pas le genre d'affaire qu'on prend à la légère, suffit pas de s'maquiller comme le dernier des travelos sorti des toilettes d'un relais routier pour s'improviser clown !

Nan c'est du boulot t'sais et pas seulement... faut du talent !

Tu percuteras que j'suis bien trop qualifiée pour qu'ta proposition m'intéresse et j'dis pas ça parce que j'ai peur d'là concurrence hein ?
Naaaan tu vois y'a personne qui peut rivaliser, j'ai la meilleure troupe du game et ça fait des lustres que ma renommée est établie...

Alors certes tu ne manques pas d'audace ni d'ambition, mais crois moi j'en ai vu un peu trop défiler des Ronald McDonald à la manque et autres parvenus dans ton genre... 

... et si tu veux mon avis ça finit par nuire à la profession... à bon entendeur...

fin de transmission, bruit blanc...


 

Un vieux disque crachote un air d’orgue .

« Hé ben... j’me suis toujours dit que si un jour je devait me faire insulter à la radio, ça serait par une icône du cirque post-nucléaire. Check. »

Il claque la langue, amusé.

« Nan parce qu’on m’a dit, y’a pas longtemps : “Tu devrais bouger, Billy. Va voir les clowns du nord. Les vrais. Les durs. Les anciens. Ceux qu’ont la reconnaissance du terrain.” Et j’me suis dit, bon… ok, j’suis pas sectaire. Peut-être qu’ils ont des nez plus rouges, ou des ballons qui explosent avec plus de panache. »

Petit rire étouffé.

« Mais si j’me fie à ce que j’viens d’entendre…On dirait que t’es pas montée sur scène, mais sur un piédestal en béton armé. Moi j’me fous pas mal des insultes. Elles sont comme les flatulences : ça sort tout seul, c’est rarement maîtrisé, et parfois, ça fait marrer. Même quand ça pue. »

Un silence. Puis il reprend avec une voix plus douce, presque sincère :

« le cirque, c’était jamais fait pour durer. C’est un truc qu’on monte, qu’on démonte, et qu’on remonte ailleurs. Avec des planches bancales et des rêves qui grincent. Le vrai clown, c’est pas celui qui a la meilleure troupe. C’est celui qui saigne en ricanant, qui tombe et qui transforme la chute en leçon pour ceux qu’ont plus rien. C’est pas un CV, c’est une cicatrice. t’as l’air de vouloir construire un mausolée. Moi j’préfère foutre le feu à la piste et danser dans les cendres. »

Il marque une pause

« Tu veux que j’te dise un truc ? J’trouve ça… navrant. Pas parce que tu me remballes. Ça, j’ai l’habitude. Même les chiens galeux me regardent de travers. Mais c’que j’trouve triste… c’est la manière. Cette espèce de posture figée, là, genre “j’suis au-dessus”, genre “ça me touche pas”, genre “j’suis trop vieille pour ces conneries, gamin.” »

Un rire bref

« Tu sais quoi ? Moi j’pense que t’es pas éteinte. Pas encore. J’pense que quelque part dans ton p’tit cœur tout sec, planqué sous les couches de rancune, et de vieux trophées rongés par les rats… y’a encore une flamme. Toute petite. Mais elle vacille. Elle attend. Et moi ? Ben moi ça m’botte. Ça m’donne envie de foutre un coup de vent là-d’ssus. D’voir si j’peux rallumer l’incendie. Parce qu’un vrai clown, c’est pas là pour briller tout seul sous les projecteurs. Et puis, soyons francs… c’est trop triste une légende qui fait la gueule. Viens, on rigole. On s’met sur la gueule à coups de pirouettes. On pleure si faut. Mais on vit, bordel. Parce que sinon, c’est pas la fin du monde qu’on traverse… c’est juste l’ennui en costume. Et ça, c’est mille fois pire.»

Un bruit de briquet. Peut-être une clope.

« Allez. Moi j’suis là. Avec ma petite troupe de toqués et mon nez rafistolé. Si jamais tu veux descendre de ton piédestal... y’a une chaise pour toi. Pliée, rouillée, mais fidèle si jamais un jour tu veux sortir de ton trône en peau de louange pour taper un vrai bœuf de clowns. Et à la fin, peut-être qu’on rira ensemble. Ou peut-être que je finirai empalé sur un piquet avec un nez rouge dans la bouche. Mais j’te promets : j’ferai une pirouette. Rien que pour toi. »


« Allez. À bientôt peut-être, Ton Altesse. Et n’oublie pas : parfois, c’est pas la piste qui fait le clown… c’est la chute. »


Un petit bruit de cymbales cassées. Puis le signal s’éteint, lentement, comme une ampoule qui grésille jusqu’à la dernière étincelle.


« À Charleroi, on survit par habitude. Dans Fracal, c’est juste pareil, mais sans la RTBF. »

 

Après un long moment de silence la voix de l’auguste rouquine retentit à nouveaux.
 

Bravo !

Tu as toute mon attention…

J’vais pas t’servir la ritournelle que j’en bavé des ronds de citrons avant d‘avoir une si haute estime de moi-même….J’ai même une tiare de princesse qui me sied à merveille pour attester du niveau de mégalomanie…mais j’admet que t’as pas entièrement tort !
 

Ouais p’t’être bien que je m’suis un peu ramollie dernièrement…. c’est pas faux… 

J’dirais même que t’as tapé dans le mille Bill !
 

Alors maintenant que t’as titillé ma curiosité et que je commence à saliver comme un moniteur de colo devant une gamine de 12 ans, j’espère que tu vas pas m’vendre un numéro éventé de duo comique de seconde zone !

J’veux du sensationnel moi ! D’la pitrerie de haute voltige, un spectacle comme personne n’en verra plus jamais !!!
 

T’as ma fréquence, tu sais quoi faire… Voyons si on peut transformer la flamme en brasier infernal !
 


J'inciterai au chaos et à la destruction partout où j'irais.

La fréquence grésille à peine. Pas d’intro. Pas de jingle 

« Héhé… revenue d’entre les rides et la résine ! T’sais pas à quel point ça me chatouille les tripes d’t’entendre causer comme ça. Une putain de tiare ! Rien que ça ? J’espère qu’elle est rouillée et pleine de clous, sinon c’est du cosplay, pas du règne. »

Un petit rire secoue l’onde, puis le ton de Billy Bob devient plus posé, presque respectueux — à sa manière.

 « Mais tu sais quoi ? T’as raison de réclamer mieux que des grimaces et deux pirouettes mal articulées. »

Il inspire, puis parle plus bas, comme s’il lui soufflait un secret directement dans l’oreille.

« Alors voilà l’plan, Majesté. Ce que j’te propose, c’est un spectacle unique. Un truc qu’on pourra pas refaire. Pas parce qu’il est trop bon... mais parce qu’on risque de finir cramés, éclatés ou adorés comme des dieux paumés. »

Une pause, puis il ajoute, avec un clin d’œil dans la voix :

« Tu veux un brasier infernal ? J’viens avec l’essence. Et le rire en guise d’étincelle. Accroche-toi, princesse... le numéro commence bientôt. Et personne n’en ressortira indemne. Pas même nous. »

Il s’éloigne légèrement du micro, puis hurle :

« LE GRAND CIRQUE DE L’APOCALYPSE COMMENCE ICI, NOM DE DIEU ! »
«  Et j’vais pas faire semblant. »

Il rit, doucement. Comme un type qui se marre à l’idée de se cramer une troisième fois pour une blague qui en vaut la peine.

« J’vais venir. Bientôt. En vrai. Avec ma carcasse déglinguée, mon nez fendu et ma “dégaine de travelos sorti des toilettes d'un relais routier.” J’ai gardé des trucs de côté, tu sais. Toi, j’crois que t’es assez lucide pour les comprendre. Pour les sentir. Pour en rire ou en pleurer, j’m’en fous. J’vais venir... et j’te promets pas le meilleur du monde, mais j’te jure que ce sera le meilleur de moi. »

Un silence. Puis sa voix se fait plus douce, presque tendre :

« Prépare la piste. Redresse ta tiare. Époussète ton trône. Y’a un clown qui s’amène. Et il vient pas quémander l’attention : il vient poser une bombe de rire et de honte, au nom de l’art. J’vais pas jouer à domicile. J’vais venir dans ton royaume. »

Un souffle. Puis un dernier mot, susurré :

« Et si à la fin on crame… ce sera au moins un feu d’artifice. »

Puis un vieux haut-parleur crache un jingle tordu : une boîte à musique qui joue "La brabançonne" avec des notes manquantes, comme une marche funèbre nationale pour clowns trop fiers.
 


« À Charleroi, on survit par habitude. Dans Fracal, c’est juste pareil, mais sans la RTBF. »