Trois p'tits tours et puis s'en vont.

Chapitre débuté par Karma Bona

Chapitre concerne : Karma Bona, asya,

Ce texte vaut 3 bières !

Il y a bien des catastrophes qui rapprochent les gens. Bien des horreurs qui les font se serrer les uns contre les autres. Des morts que l'on pleure, des absences qui nous hantent, du réconfort que l'on cherche. Mais celle-ci était d'un autre ordre. Dans lumière olivatre des Blocs d'éclairage de sécurité, qui commençait à présent à faiblir, il n'y avait que des ombres et des monstres. De ceux qu'on regarde de loin, méfiant, ou de celles qui nous suivent sans un mot.

Quand on marche dans la pénombre, on ne fait pas toujours attention où l'on met les pieds. Difficile de savoir si le béton qui se fend est un chausse-trappe, ou une simple cicatrice du temps; si cette flaque est une marre aux canards, ou une fuite d'amoniac prête à vous ronger les os. Et parfois, seulement quand la chance est là, on peut avoir l'oeil pour une petite pépite. Un brillant qui attire le regard, doucereusement, comme une promesse. Si on se penche pour le ramasser, on trouverait alors, malencontreusement égarée, une boucle d'oreille dorée.


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   (illustration, une seule, pas les deux.)





 

Quelques minutes plutôt, une jolie femme mutique passait la main dans de jolies boucles chatain. Elle fronça les sourcils, après avoir inspecté le lobe de son oreille gauche. Elle tatonna dans l'obscurité des souterrains, comme une taupe aveugle mais certaine de ses gestes. Elle vérifia, deux fois. Etrange. Elle n'avait pas l'habitude de perdre ses affaires, et toujours la chance de les retrouver à leur place. Elle se retourna, décontenancée; déjà la pénombre se refermait autour de la lampe torche chancelante d'isalia. Elle ne voyait guère que les virevoletantes braises d'un lointain foyer. D'autres survivants qui avaient échappé à la mort ...Ou la provoqueraient. Ils les avaient évités soigneusement, contournant le duo égaré avec la précaution d'un lièvre reniflant le bouquet musqué d'un renard affamé. Qui savait ce qu'il en était.

Ce texte vaut 2 bières !
Adossée contre une rame de métro, Asya observe, scrute, toise les gens près d'elle... enfin... une partie des innombrables gens en fait. Les lieux sont dignes d'une heure de grande affluence dans les sous-sols d'une grande métropole. Certains sont prostrés, apatiques, sans doute choqués par ce qui vient de se produire. D'autres courent en tous sens, comme des furies paniquées, comme des animaux sauvages en cage. Aucun d'entre eux ne semble savoir où il va, pourquoi, comment, ni peut-être même qui il est. Une fraction de seconde peut changer un destin, un lieu, un corps, une vie.

Asya observe, calme. Elle conserve son énergie pour le moment ou l'action opportuns.
Elle laisse glisser toutes ces énergies négatives qui circulent en masse autour d'elle, contrairement à la rame de métro qui, elle, semble figée depuis le chaos. Elle attend, le moment, l'onde, le détail qui fera toute la différence. Nul ne sert de courir quand on ne sait pas où on va.

Jusqu'à ce moment où un détail montre le bout de son nez. Asya s'accroupit et dégage d'un petit tas de gravats ce qui attire son oeil et qui est bien trop brillant pour n'être qu'une simple pierre. Elle en extirpe une boucle d'oreille qu'elle observe dans le creux de sa main. Elle ressemble à 3 rouleaux de réglisse doré aux allures hypnotiques.

Asya reste ainsi un moment, les yeux rivés sur l'objet qui semble lui parler. Peut-être des secrets à confier... Sans savoir pourquoi, elle referme délicatement sa main et se relève, glissant discrètement l'objet à l'intérieur de son turban qu'elle fait mine de resserrer autour de sa tête, tel un précieux trésor qu'il faut cacher.


Autour d'elle et aussi loin que la pénombre lui autorise de voir, la masse de gens s'est accentuée, comme si l'être humain, du moins ce qu'il en reste, se reproduisait en un instant record, dans un ultime instinct primaire de survie.

L'homme a toujours été son propre et pire ennemi. Mais cette boucle... elle dégage une onde, quelque chose d'imperceptible. Asya refait alors minutieusement le tour de chaque âme qui semble vivante, avec ou sans corps, autour d'elle... en quête de sens... peut-être...

Et de 1.
Ce texte vaut 4 bières !
Quand on ne sait pas trop ce qu'il y a au-delà de ce qu'on voit, on peut encore moins tirer des conclusions hâtives sur l'origine ou l'appartenance des inconnus croisés...

Inconnus... pas tant que ça.

Tandis que la petite tribu tribalienne tergiverse sur les mérites, les menaces et les intérêts au sujet de Rudolphe le Renne versus un couteau mal aiguisé, Asya relève la tête au passage d'un groupe non loin de leur position. D'instinct, elle pose une main sur l'avant bras de Mahdi qui ne manquera pas d'avoir quelques poils tirés et une ou deux griffures à l'occasion, une autre main sur celui de Rachid... une troisième sur son arme. Enfin, dans la réalité vraie, elle a en fait une main qui oscille entre avant-bras et arme. Tout ça pour mettre en pause leur passionnant débat et se mettre tous sur le qui-vive.

Les yeux plissés, Asya scrute le groupe en face, puis finit par relâcher le dernier poil de Mahdi, non pas par pitié pour son visage grimaçant, mais parce que parmi les inconnus se dessine une silhouette qui ne l'est pas vraiment aux yeux d'Asya. Sans réfléchir elle lance à ses compagnons:


Y a un relan d'égoût.

L'image n'est pas flatteuse, mais le souvenir qui s'en dégage bien plus doux et énigmatique. Asya porte alors sa main à son turban, farfouille dedans avant d'en ressortir un objet qu'elle cachait jusqu'à présent comme un trésor à ses compagnons. Elle ouvre doucement sa main à la vue des deux hommes pour leur découvrir une boucle d'oreille, aussi dorée que le soleil, aussi hypnotique qu'un décor psychédélique.

Asya fait plusieurs allers-retours visuels entre la jeune femme du groupe et la boucle. Pas de doute, plus de doute... Asya a croisé l'objet et cette femme au même endroit, sale, sombre et nauséeux, en même temps, il y a longtemps. Il n'y a pas de hasard...

Asya se lève alors, sous le regard peut-être incrédule, ou la réaction protectrice ?, de ses compagnons de voyage. Et fait un signe de la main en direction du groupe, mais son regard, lui, cible la seule âme féminine au loin. Peut-être cette boucle lui appartient-elle ... 

Et de 2.
Ce texte vaut une bière !
La donzelle est éreintée depuis des jours et des jours. Elle a miné sa peine dans les tréfonds de la péninsule, pour s'acheter de quoi améliorer le quotidien. Elle a chapardé des médicaments à un lapin peu regardant. On lui a versé encore une vieille potée dégueulasse ou le terreau se mêle à quelques tristes bouts de choux et de patates. Très peu de patates. Beaucoup de terre.

Elle a maigri, depuis les égouts. Elle sent meilleur, par contre. Pas la rose des vents, ni celles des parfums d'autrefois. Mais le sel et les embruns, à avoir couru la côte comme un frère boucanier, le soleil et monoi, à avoir supporté le feu créateur lors des longues traversées du désert de verre. Elle se tanne, s'assèche. Elle attend patiemment. Mais encore aujourd'hui des ordres. Une pirogue à fabriquer. Un bâtiment à construire. Demain zigaguer entre les boulots et les cyprès pour abattre quelques troncs. La vie en esclavage, l'avenir en servitude. Elle rêve d'abolir ses nouvelles chaines...

Elle attend donc, ici, dans ce village miteux qu'une bourgmaitresse dirige comme un mouton à l'abattoir. Pas de place à l'hésitation; si le verbe est poli, la sanction est prohibitive : l'excommunication, sans vivre et sans espoir. Putain de trou du cul monde... Mais, elle aperçoit une silhouette, qui brille d'une aura étincelante. Une petite pépite, un signe; tiens donc. Les couleurs reviennent aux joues de la brunette. Comme un souffle revigorant qui fait virer vermeille les pomettes des frileux.

Deux fois n'est pas coutume. Mais c'est déjà une sacrée invitation à l'imagination. Quand on sait comment les fils d'une tapisserie se croisent et s'entremêlent, il est difficile de ne pas voir dans ce patchwork post-apocalyptique un signe du destin. Surtout quand on s'appelle Karma, avec un K. Alors elle lève son cul, s'époussette, et se dirige vers l'inconnue enturbannée.

"Tu as la tête d'une arpenteuse. Et je dépéris ici. Prends-moi avec toi." Si la voix est assurée, le projet, beaucoup moins.

Et de trois ?