Une intuition sinistre

Chapitre débuté par Ali

Chapitre concerne : La Nouvelle Halifax, Ali,

Ce texte vaut 5 bières !
Ali se souvient encore des débuts de son taf au garage. Au début c'était juste un petit groupe de copains, des passionnés de bagnoles qui vivaient dans un bled paumé et s'étaient dits que, foutu pour foutu, autant tenter sa chance à faire quelque chose. Et ça avait bien marché!
Ali n'en avait pas grand-chose à foutre des voitures, mais avait la passion d'avoir assez de thunes pour vivre correctement, et des amis d'amis avaient tuyauté pour lui obtenir un emploi de mécano. Ca payait mieux que faire des ménages, les bûcherons vulaient pas d'une meuf dans leur pattes, et Ali se sentait pas de faire pute, donc l'occasion était en or.

Le garage avait eu du mal, mais était sur la pente montante. Le groupe de potes qui se partageait la direction avaient toujours de bonnes nouvelles à annoncer et augmentaient les salaires régulièrement. Y'avait quelques collègues qui râlaient, avec des considérations politiques qu'Ali ne comprenait pas. Y'avait des collègues chiants qui s'imaginaient que vu qu'ils connaissaient une meuf qu'ils pouvaient baiser alors ils pouvaient baiser tout ce qui ressemblait à une meuf. Ali avait une technique pour les gérer: ne pas ressembler à une meuf. Facile finalement.
Mais tout ça n'avait pas duré. Lors d'un barbecue d'entreprise, déjà un peu émèché, un des fondateurs s'était payé un discours: On a réussi, grâce à votre travail acharné notre entreprise est maintenant grande blablablamesfesses et on est rachetés par un investisseur. Ali n'avait pas compris ce que ça voulait dire sur le moment, mais ça allait bientôt devenir clair. Déjà l'augmentation des salaires on pouvait oublier: si t'étais pas content t'avais qu'à partir. Ensuite tous les 6 mois y'avait un collègue, apparemment au hasard, qui disparaissait du jour au lendemain: "coupes budgétaires" qu'on disait.

Pis à un moment, des collègues lui avaient demandé de rejoindre leur groupe. Une sorte de noyau de résistance dans le garage, qui avait pour but de "reprendre le contrôle". Z'étaient cons: le contrôle on l'avait jamais eu, mais ces gens là avaient le même genre d'énergie que le groupe de potes du début. Ali avait passivement accepté, sans pour autant s'investir à fond. On avait conduit des opérations, plus ou moins efficaces: on avait fait des barrages en garant les voitures n'importe comment, on avait mis des fumigènes sous les capots des cadres sup', on avait mis du viagra dans le café d'un patron juste avant sa réu hyper importante avec les gros bonnets. Au final on s'était bien marrés, mais ça ne changeait rien.

Et puis les flics étaient arrivés. Officiellement c'était juste pour "la surveillance anti-terrorisme", mais au fond tout le monde savait: c'était parce que la direction allait encore prendre des décisions de merde et que si y'avait pas des types avec des flingues pour faire dissuasion le patron se serait retrouvé au bout d'une corde. Ca avait marché. Un peu. Et puis des gens s'étaient dit que si les patrons avaient des flingues on pouvait en avoir aussi, et là c'est vraiment parti en couilles.

Bref, ça c'était avant le crash, ou pendant peut-être, ça dépend comment on compte. Depuis pas mal de choses ont changé.

Sauf que là Ali a une drôle d'intuition: on dirait bien que finalement les choses ont pas tant changé que ça.
Hier, le gourou est mort.
C'est sûrement pas plus mal. Faut avouer que c'était un con. Il aurait pu essayer de s'adapter à ce nouveau monde, d'apprendre à cultiver un potager ou je ne sais quoi. A croire que les gens peuvent pas toujours changer, même quand c'est dans leur intérêt.
Il aurait pu passer pour quelqu'un de correct, jusqu'au jour où j'avais galéré pour trouver des recrues pour notre groupe et qu'il les avait tuées pour leur voler leurs provisions. Ca avait traumatisé tout le groupe je crois.

Repose en paix Jupiter, promis je vais essayer d'empêcher qu'un débile bouffe ton cadavre. Pas envie d'une épidémie en ville.