La noirceur de l'âme

Chapitre débuté par Kao T.

Chapitre concerne : Klaatu-Barada-Lokitin-Gonzolu-Mare-Costum, Gonzo, Kao T.,

Ce texte vaut 6 bières !
Lune 45 - Communauté de Klaatu-Barada-Lokitin-Gonzolu-Mare-Costum



Kao T. est une femme hideuse, silhouette longiligne, osseuse, le visage massacré. Les exilés de Klaatu, dont elle fait partie, viennent d'emménager une énième fois dans un coin tout aussi désolé que les précédents. Elle est assise sur une caisse de bois, vaguement abritée du froid mordant, sous une des tonnelles trouées d'où coule un mince filet de pluie. La jeune femme observe dans le lointain les cendres encore fumantes de Funkytopia.


"Enculés .."


Glisse-t-elle, amère.

Son doigt noueux vient caresser la plaie encore douloureuse qui barre son front, stigmate de l'attaque qui coûta la vie à ses trois compagnons et faillit l'emporter elle aussi.


"Zhang .. Valentin .."


Ce mantra ne la quitte plus. Chaque jour, chaque heure, ou plus fréquemment encore, elle siffle ces deux noms : celui des assassins de Gonzo, Tintin et Imad. C'est dans ces moments que son regard déjà peu amène devient franchement malsain, noir et dégueulant de haine. On imagine à peine les sévices qu'elle se voit leur infliger. Supplice raffiné ou barbare, elle s'imagine utiliser sa science méphitique pour prolonger indéfiniment une douleur bien au-delà du supportable.

Et puis, parfois, le souvenir de l'attaque lui revient comme un rocher qui tombe d'une falaise et s'écrase lourdement dans son esprit déjà malade. Un traumatisme. Cette agression qui marqua définitivement pour elle le passage vers un désir de vengeance envahissant, brûlant, dévorant  ...

 
Ce texte vaut une bière !
Lune 43 - Désert Central Nord



Le campement est établi depuis plusieurs heures. Tintin est affairé à rafistoler son milou empaillé, utilisé de manière douteuse sur le versant sexuel et à l'occasion comme partenaire de discussion. De l'autre côté du bivouac, Imad Al Sheitan est plongé dans une transe induite par une nouvelle prise de substance psychotrope. L'odeur d'urine qu'il dégage semble décourager quiconque de s'approcher. Kao quant à elle est trop occupée à admirer Gonzo, ou plutôt 'Gonzolu l'Immortel' comme il a désormais décidé de se présenter.

Jésus post apocalyptique ou toxicomane sous substance, la nuance est fine. Il a pris comme toge messianique un drapeau bleu flanqué du sigle d'une organisation aujourd'hui disparue. Les cheveux longs, la démarche ébrieuse, il est en communication avec celui qu'il nomme Le Grand Bouquetin Noir.

La première balle emporte la mâchoire de Tintin dans un claquement insupportable, une gerbe d'os et de chair. Il tombe au sol, écrasant son compagnon canidé. Du visage mutilé pulse un sang rouge vif qui inonde le sable en une large auréole.




"Putain .. On nous att.."


Kao n'a pas le temps de finir sa phrase. La lame d'un sabre, ou les clous effilés d'une batte de baseball, viennent frapper son crâne avec une violence inouïe. Un éclair blanc, tout tourne autour d'elle. Si ce n'était ce rail de cocaïne partagé plus tôt, la douleur l'aurait déjà rendue inconsciente.

Imad plongé dans les limbes de la transe, ou les effets psychédéliques des substances, ne sent pas la lame qui glisse sous son cou. Il se vide en un instant. Le faux prophète voit se rapprocher l'abîme de la mort au moment où le sang vient à manquer. Un ultime geste dérisoire lorsqu'il porte la main à la plaie béante, puis le néant.

Gonzolu l'Immortel est peut-être le seul à apercevoir le danger. Mais en cet instant où son esprit est intoxiqué, la frontière est trop ténue entre son univers et la réalité.



"Par mon père le GRAND BOUQUETIN NOIR et nos trois sexes, personne ne peut TUER Gonzolu l'Immortel ! Je vous renvoie vos coups et j'en appelle à ma divine puissance !"


Les mains placées en paravent devant son corps ne suffisent pas. Les balles emportent par pièces doigts et morceaux de paume. Le corps du Messie se voit criblé. L'effet antalgique des drogues atténue toute sensation. Il continue à avancer malgré les blessures, malgré les coups aux jambes, au corps, au visage. Sa carcasse meurtrie fait encore quelques pas avant de s'effondrer, tuée, massacrée.

Unique survivante : Kao fuit à toute jambe. Elle court à demi consciente, hurlant à ses compagnons qu'elle pense encore en vie.



"Fuyez! Fuyez! Ils sont venus nous tuer!"


Dans sa course effrénée, un ultime coup d'œil en arrière lui offrira le spectacle atroce du massacre. Gravant à jamais silhouettes et visages de ses bourreaux dans cette rétine, annexe des enfers, où rien jamais ne disparaît. Eux sont venus venger leur ami : Tiago.
Ce texte vaut 3 bières !
Lune 42 - Tiago - Désert Central Nord



Tiago est tranquillement installé dans son petit campement, le regard plongé dans l'horizon ligne de dunes et de ciel bleu. Il a choisi le site avec métier, ouvert sur le désert et abrité du vent. Sur le feu, la théière siffle doucement.

Une fauvette à tête noire vient se percher sur un rocher de grès sculpté par le vent. Un instant suspendu, poétique.

La flèche fend l'air et se plante dans l'omoplate, fracassant l'os. Le choc, la douleur intense, transfixiante, la tentative vaine de se saisir de ce pic inatteignable. Il se lève en grimaçant et laisse échapper un gémissement.



"Aaaah ..."


Le second trait traverse la cuisse de part en part. Il n'en a pas conscience, mais l'artère est embrochée. Son temps est désormais compté. La jambe ne le porte déjà plus.

Mais c'est un éclaireur, un homme rompu à la survie. Les réflexes prennent le pas. Il se précipite vers un abri, un refuge. Il aura bien le temps de comprendre, de saisir ce qui se passe, car qui peut bien l'attaquer lui qui ne se connaît pas d'ennemi.



* Tchac *


La lame du Katar déchire la chair et vient fendre le flanc. La douleur est atroce, irradiante, elle force l'homme robuste à s'agenouiller.

Derrière lui la silhouette de Gonzolu l'Immortel se dévoile alors. Le regard impitoyable, figé dans une attitude d'hostilité absolue, il toise sa victime. Une voix de femme raye l'ambiance de sa tonalité malsaine :



"Il n'ira pas plus loin .. Libère le de sa vie .. Ce n'est qu'un sale chien juste bon à crever."


Kao émerge de derrière un pan rocheux, arc en main. Elle sourit, immonde grimace qui fait bâiller ses cicatrices et dévoile des dents aux gencives noires.

Les deux comparses se connectent du regard, l'espace d'un instant on peut percevoir toute la malice et la haine abyssale qui les réunit.

Les minutes qui suivront seront les témoins du supplice et de la lente agonie de Tiago. Ils déploieront des trésors de raffinement déviant, apporteront des souffrances d'une intensité inconnue, puis pour parachever leurs oeuvres : le visage sera mutilé, les joues profondément tailladées en guise de signature.

Et sur ce corps abominablement détruit, il baiseront comme deux bêtes sauvages. A l'instar de démons vomis des enfers et condamnés à corrompre la surface de la terre.