Chapitre débuté par Emma Peel
Chapitre concerne : KLAATU BARADA NIKTO, Agents du Chaos, Emma Peel,

La vie a décidé, un jour, que je sorte enfin de mon bunker du Nord, tout près de Klaatu la Bléssée. À cette époque, la ville pansait encore ses plaies. Elle renaissait à peine, fragile, hésitante. Ses habitants vivaient sous la coupe d’un groupe plus puissant, celui qui retenait leur cheffe. Beaucoup portaient encore les marques de cette domination. Kao en faisait partie. Mais ce n’est pas elle que j’ai rencontrée en premier.

Non, la première personne que j’ai croisée, c’était un clown, une cigarette au bec. On a parlé deux minutes, pas plus. Il m’a dit de me présenter, qu’ils cherchaient des gens comme moi. Il s’appelait Krunk Jaberski.
J’ai frappé à la porte. Kenneth m’a ouvert, un peu froid, mais pas désagréable. Je me suis demandée ce que je faisais là.

Et puis Rosemary a déboulé de son trapèze, m’a offert un vrai spectacle. J’ai vu un peu de vie, de couleur. Ça m’a plu.

Je sais qu’on me testait à l’époque, normal, la confiance ne se donne plus gratuitement, pas dans ce monde-là.
Amélia
C’est là que j’ai rencontré Mauricio. Le seul avec qui je parlais vraiment. Le meilleur ami de Kenneth.
Un jour, il m’a dit qu’il partait en mission. Je n’en faisais pas partie. On s’était promis de se revoir à son retour… mais il n’est jamais revenu.
Ça, ç’a été ma première vraie perte. Celle qui m’a fendu le cœur.
Après ça, j’ai essayé de tenir, de retrouver le goût de construire quelque chose. Mais j’étais à bout.
Et c’est là que Krunch est venu dans ma vie : un vrai singe, dans tous les sens du terme. Il me collait sans arrêt… et, au fond, ça me faisait du bien.

On a roulé un temps avec Elias et sa bande de cinglés. Peu à peu, quelque chose s’est réveillé en moi, une envie de cogner, de rendre coup pour coup. Les Sans-Visages pullulaient, envahissaient tout. Je ne supportais plus leur présence.

Puis, en rentrant à Klaatu, Krunch s’est effacé.
Tout le monde se demandait alors si ça valait encore le coup de reconstruire, encore une fois.
C’est dans cette ambiance que j’ai décidé de partir. Seule.
Le Nord ne me portait plus. J’ai pris ma radio, et j’ai cherché d’autres voix, d’autres horizons.
https://music.youtube.com/watch?v=T8Q7hIPteZY : Miley Cyrus - The Climb

J’avais un sac, quelques vivres, un arc, et je suis partie.
Le sud m’appelait, sous les traits de Viggo. Alors je l’ai rejoint.

Nous avons voyagé plusieurs mois, aux frais de la princesse Trinidad. C’est à cette époque, en longeant la mer de sable, que nous avons croisé un petit clan de gens sympathiques. Parmi eux, il y avait le Petit Niais, que j’aimais bien, et aussi Lescale et d'autres...

Notre rôle, le reste du temps, c’était de traquer les Sans-Visages.
Je savais déjà faire. Alors j’ai continué.
J’obéissais, mécaniquement, sans réfléchir. Jusqu’au jour où, dans le regard de l’un d’eux, j’ai cru apercevoir quelque chose, une lueur, presque humaine. J’ai voulu lui parler.
Mais ça n’a pas plu à Viggo.
Je n’avais pas respecté ses ordres. Il voulait que j’exécute sans poser de questions.
Avant même que la pauvre femme n’ait pu me répondre, il a levé sa dague et l’a transpercée, net, de part en part.
Elle portait la vie en elle.
Et moi, je voulais juste comprendre jusqu’à quel point.
À cet instant, j’ai senti toute l’inhumanité de Viggo, et celle de Trinidad aussi, dans ce geste.
Quand il m’a vue chanceler, incapable de cacher mon dégoût, il m’a foutue dehors.
C’est comme ça que tout s’est terminé.

Je faisais le point.
J’avais vu le Nord, j’avais vu le Sud, et je ne regrettais pas mes errances, même si elles m’avaient parfois menée sur des chemins tordus.
Je n’ai jamais été faite pour rentrer dans une case. Je l’ai toujours su.
Je suis restée quelques jours encore, le temps de mettre de la distance avec Trinidad. En m'éloignant, je me rendais compte que je ne les connaissais pas vraiment et qu’il valait mieux que ce soit ainsi.
Alors j’ai continué à avancer, droit devant, jusqu’au pont.
C’est là que Cary m’a trouvée.
Elle m’a simplement dit que je pouvais venir, rester ou repartir, prendre le temps de réfléchir. Cette main tendue, je l’ai acceptée. Et je me suis installée à Smart.
J’y ai retrouvé un souffle nouveau.
J’avais envie de rencontrer des gens, de me rendre utile, d’exister autrement. J’ai traîné dans les rues, cherché des contacts, offert ce que je pouvais, mais les rues étaient relativement vides.
C’est là que j’ai rencontré Mercy, un homme incroyable. L’ancien bâtisseur de Smart, qui avait depuis peu confié la direction à plus jeune et plus dynamique que lui.

Mercy, c’était tout ce qu’il me fallait à ce moment-là. Il m’a entraînée dans une danse à laquelle je ne m’attendais pas : enivrante, profonde, sensuelle.
Sa présence m’a redonné vie.
Pour rester près de lui, je me suis autoproclamée « veilleuse des routes ». J’écoutais la radio, je captais des voix, et j’allais vers elles.
C’est ainsi que j’ai guidé Maëline, Lani, Sinapise Jack… et même Samantha — dont j’ai vite compris qu’elle n’était que l’ombre d’une autre, et qu’elle n’avait pas vraiment besoin de moi.

Mercy disait que j’avais un talent. J’espérais qu’il veuille me garder près de lui. Mais il ne me forçait jamais à rien.
Il appréciait juste ma présence, tant qu’elle durait.
Et ça, c’était suffisant pour moi.
Je suis devenue planteuse exotique, un peu pour lui, surtout pour lui.
Il ne me demandait rien, et moi, je lui donnais tout ce que je pouvais.
Je crois que je l’aimais. Les heures avec lui coulaient lentement, comme si elles cherchaient à nous unir.
Et cette vie-là… oui, elle me convenait.

Puis le temps a fait son œuvre.
L’usure, la lassitude, ont fini par emporter la seule vraie raison de vivre de Smart : Mercy.
Il se terrait de plus en plus dans son ancien bureau, absent à tout.
Je le voyais “partir” lentement, douloureusement, sans rien pouvoir faire.
Mais il restait malgré tout un peu de vie autour, au Smart.
Un groupe folklorique, furtif, mené par Billy Bob m’avait arraché un sourire.

Il y avait Lani aussi, que je découvrais peu à peu, et Jack, déjà tourné vers ailleurs, happé par des idéaux que je ne comprenais pas vraiment.
Et puis, le choc.
Je revois encore les deux énormes camions foncer sur Smart, s’écraser contre les murs, emportant une compagne dans leur fracas.
J’ai défendu, avec Mercy, tout ce qu’il restait de sa création, mais ils étaient plus forts, plus nombreux, plus vivants.
Ils m’ont laissée pour morte. Ou presque.
Je flottais déjà loin, entre ciel et terre, sans douleur, vide.
Jusqu’à ce que Daanil arrive.
Mon bourreau. Celui-là même qui m’avait mise dans cet état.
Il a appliqué sur moi les gestes de survie, sans douceur, sans émotion, juste une volonté brute de me ramener.
Et il y est parvenu, dans la douleur, dans les cris.
Lani, la pauvre Lani, si douée pour soigner les corps et les âmes, s’était changée. Elle volait sur tout, sur tout le monde, pleine d’une haine qu’elle ne savait plus contenir.
Et Jack… Jack a choisi de partir ce jour-là. De me laisser là, pour suivre d’autres routes.
Marco, le chef de la rébellion, tentait de rallumer le feu.

Il essayait de reconstruire sans piller, de croire encore.
Il avait une mission, mais il savait que "l’Homme", se méfiiait, finissait par fuir, c'etait plus simple que d'affronter.
Certains sont restés, par foi, ou par épuisement.
J’en faisais partie.
Les mois ont passé.
Le temps de s’organiser, de se réparer, de respirer un peu aussi.
Je voyais en Marco une force neuve, un élan. Pendant que Mercy, lui, s’enfonçait dans le silence, jusqu’à disparaître complètement de la vie commune.
J’en oubliais presque le son de sa voix.
Marco, lui, avait encore cette lumière, ce projet, ce mouvement qui me manquait.
Alors je l’ai suivi.
Je crois qu’il appréciait mon soutien, les moments qu’on passait ensemble. Et puis, un jour, il a conclu tout ça, d’un mot, d’un regard, je ne sais plus.
Après ça, plus rien n’avait de goût.
Toutes nos armes avaient été brisées en une seule nuit.
Tout ce qu’ils avaient planifié pendant des mois, réduit à néant.
Et Marco n’était plus qu’une coquille vide.
J’ai essayé de le secouer, de le retenir.
Mais il était déjà parti, quelque part où je ne pouvais pas le suivre.
Il ne faisait plus que finir ce qu’il avait commencé, la mission pour laquelle Jaman l’avait envoyé.

Il m’a fait rentrer à la Kabane.
J’avais le choix, mais je me suis surtout laissée traîner par Lani, sur le même chameau.
C’était la fin.
La fin du Smart, la fin de Mercy.
Je n’ai pas eu le cœur de rester pour le voir mourir.
Je suis partie avant.
Marco et son groupe devaient tout démonter.
Et malgré tout, quelque part au fond, j’espérais encore qu’il me rejoigne.