- Tic tac, tic tac, les rats quittent le navire. La caste des sans-visage s'agrandit. Mais elle n'est pas seule. Non. Je fais aussi mon office. Ne tardez pas à agir. Hahaha.
De nouveau, vous l'espériez tellement, la voix de monsieur Falred crache de nouveau dans la radio. Alors qu'il neige là-bas dehors, que le froid saisi vos os, ce qu'il compte vous parait tantôt loin, tantôt trop proches de vous. Mais vous n'en ratez pas une mienne, tant les informations divulguées sont précieuses. Et vous, les connaissez-vous, les informations précieuses ? Vous êtes si prudent, si malin, si puissant. Aucun calcul ne vous échappe. Vous avez sans doute assez d'égo pour penser que Falred est un simple pion sur votre échiquier. A moins qu'il s'agisse du fou. Le doute vous assaille, la peur vous étreint, et toutes ces sensations disparaissent alors. Falred parle. Il parle vraiment. La raillerie disparait et de sa voix claire, il s'adresse à vous et à lui.
- Monsieur Lars Rasmussen, il est temps que je cesse de jouer avec vous. J'imagine qu'avec votre égo démesuré, vous gagnerez facilement à ce petit jeu là. Je suis même prêt à consentir à vous donner mon nom. Vous pouvez m'appeler Falred Veynar, de mon nom complet. Je reste, bien sûr, le Héraut du Chaos. Mais ne vous méprenez pas, celui que je sers n'est moins un dieu qu'une puissante entité qui habite le cœur de tous les hommes. Vous parlez d'un passé détruit, ha, oui, le Chaos y a joué un rôle. C'est évident. Mais son véritable ennemi, celui qui veut l'asservir, c'est le Néant. C'est celui qui vous possède déjà. Vous conduisez à l'unité et au vide. Ou seuls des abrutis au cerveau atrophié vont tirer sur des corps vidés de leur âme, seule réponse possible pour eux, face à ce monde perdu et ingrat. Votre hypocrisie ferait rougir ce bon vieux Donald. Vous me parlez d'ordre et de sécurité, en opposition au Chaos, mais, pardonnez-moi cette franchise abrupte, vous êtes un bel imbécile. Vous êtes celui qui conduit au Néant et rien d'autre. Vous auriez sans aucun doute, tôt fait de monter prendre le nord, profitez de sa faiblesse et venir me cueillir par la même occasion. Oh, comme cela, vous plairez !
Falred se fend d'un rire sonore, qui se moque de tout et surtout de vous, et de lui.
Mais, votre lâcheté vous en empêche. Car vous aussi, derrière les morts par centaine, vous avez encore un attachement ridicule à la vie. Belle hypocrisie. Voyez-vous, votre rôle EST celui d'un pion, tandis que je ne suis que le fou. Oui, vous y songiez, je vous le confirme. À moins qu'il s'agissait de quelqu'un d'autre ? Ha. Toujours est-il que vous êtes tiraillé en votre for intérieur. Vous avez envie de tous nous soumettre sous votre semelle. J'imagine quelques traumas passés qui vous obligent à compenser un manque cruel de confiance en soi. Sans doute la raison pour laquelle vous ne vous attaquez qu'aux morts.
À mesure que les mots de Falred sortent, vous les sentez de plus en plus froids et cruels, à la hauteur de leur irresponsabilité.
- Votre petit tas de merde, que vous appelez vos terres, se rapprochent peu à peu de la fin. La bipolarité de cet univers a atteint son apogée et commence lentement, mais surement, sa chute. Vous voyez Lars, vous êtes en train de gagner une guerre absurde, sans saveur, sans honneur, à l'image de votre petitesse. À vous et vos codirigeant. Car il est facile de blâmer seulement votre tronche quand on sait que vous êtes plusieurs à vous terrer comme des pleutres dans le Sud. Et une fois la victoire assise, il n'y aura plus rien. Car chaque cycle possède une fin, et nous arrivons au bout de celui-ci. Vous pensiez asservir, mais demain, oui, demain, plus personne ne vous répondra. Les sans visages seront partout et le Néant aura gagné. Et vous vous retrouvez comme un con. Un abruti totalitaire qui s'est coupé de tout pour asseoir sa suprématie sur un grand vide et qui ne parle plus qu'à ses pairs. Aussi chiants et limités que vous. À défaut d'avoir contenté le Chaos en le suivant, vous l'amuserez. Il y a d'autres mondes à conquérir, d'autres lieux à détourner. Et nous vous oublieront vite, petit être méprisable. Mais dans ma grande mansuétude, je viens alors vous prévenir, une autre voix est possible. Une voix qui rabattrait les cartes. Au même rythme que les caisses lancées par mon maitre tombent des cieux. Mais plus le temps passe, plus je doute que vous soyez capable de quoi que ce soit. Pourtant, même le Chaos, qui je le rappelle, accueille tout le monde, à une petite place pour vous dans le jeu de la guerre. Si seulement vous étiez capable de réflexion, vous comprendriez alors que votre intérêt est ailleurs. Je ne peux pas abattre encore toutes mes cartes, mais je vous observe, il vous observe. Nous vous observons. Et quand cela sera trop tard, ainsi, croyez-moi mon cher Lars, vous regretterez de ne pas avoir agi différemment. Depuis trop longtemps.
De nouveau, vous n'entendez plus que le silence. Vous qui attendiez et qui écoutez cette homme avec envie ou désespoir, vous sentez des larmes monter. Qu'elles soient de rage, de peur, de faiblesse, vous partagez tous en vous quelques choses d'effroyable. Un effroi grandissant et percutant, qui bouscule les codes et balaye le monde. Mais ne vous inquiétez pas, il ne s'agit de rien d'autre que du Chaos. Rien que le Chaos.
« Le sable coule toujours… mais le sablier a changé de main. »
— F.