Chapitre débuté par L'Ecclésiaste
Chapitre concerne : L'Ecclésiaste ,

La voix du Rassembleur résonnait dans les ruines effondrées, entre les murs rongés par le vent et la poussière.
Ses mots portaient plus loin que le craquement des flammes ou le gémissement des poutres prêtes à céder.
— « Futilité absolue ! Tout est futile ! »
Il parlait comme si le monde avait encore des oreilles pour l’écouter. Comme si les ombres, tapies dans les couloirs dévastés des anciennes cités, pouvaient comprendre.
Les survivants, rassemblés autour du feu, le fixaient sans oser l’interrompre. Ses paroles étaient celles d’un prophète fou ou d’un sage brisé — difficile de dire où finissait l’un et où commençait l’autre.
— « Que retire un homme de tout le dur travail qu’il accomplit sous ce soleil mort ? Une génération s’en va, une autre arrive… mais la terre, elle, demeure. Le soleil se lève, le soleil se couche, mais il revient toujours, implacable, sur ces ruines… »
Un silence pesant s’installa. Seul le vent, capricieux, soufflait d’un couloir à l’autre comme un animal enfermé dans une cage invisible.
Le Rassembleur leva les yeux vers le ciel voilé de cendres.
— « Le vent va vers le sud, il tourne vers le nord, il revient sans cesse. Comme les eaux qui descendent vers la mer sans jamais la remplir. Comme nos pas dans ces ruines, sans fin et sans repos. »
Il tendit la main, désignant les tours brisées qui entouraient le campement.
— « Toutes choses sont lassantes. L’œil n’est jamais rassasié, l’oreille jamais comblée. Tout ce que vous croyez voir de nouveau, tout ce que vous pensez bâtir, a déjà existé avant vous… et disparaîtra encore après vous. »
Un murmure parcourut le groupe. Certains détournèrent le regard, d’autres serraient les poings.
Le Rassembleur abaissa enfin sa voix, comme s’il s’adressait à des fantômes.
— « Personne ne se souvient des hommes d’autrefois. Et personne ne se souviendra de nous. Nos noms, nos luttes, nos morts, tout s’éteindra. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Seulement la poussière qui retourne à la poussière. »
Le feu crépitait, éclairant des visages creusés par la faim et la peur. Le discours n’était pas une promesse d’espoir, mais un rappel brutal : dans ce monde ravagé, ils n’étaient que passagers, errant sur une terre qui n’avait pas besoin d’eux pour continuer son cycle.
Et dans le silence qui suivit, chacun sentit ce poids écraser son âme — et, paradoxalement, la vérité de ces mots leur donnait une étrange force. Car si tout était futile, alors rien n’était trop lourd à porter.

Le silence lourd des souterrains avale chaque pas. Les néons brisés pendent encore aux plafonds comme les os d’une carcasse oubliée, et le vent qui s’infiltre par les fissures des murs imite le soupir d’un monde mort. Je marche seul, le bâton résonnant contre les carreaux fendus de l’ancienne ligne de métro.
Ici, nul soleil ne veille. Seulement l’ombre épaisse, nourrie par la mémoire de milliers d’âmes passées. Mais au milieu de cette obscurité, je porte une flamme invisible, fragile mais tenace : la conviction de rejoindre la surface.
Mon corbeau me devance, ses ailes effleurant l’air saturé de poussière, comme s’il indiquait la route. Chaque silhouette croisée, chaque survivant titubant dans ces profondeurs, je tends ma main, car il n’est pas de salut solitaire. Le désert fractalien m’a appris que survivre n’est pas suffisant : il faut porter l’autre, même au prix de ses forces.
Je suis l’Ecclésiaste. Je ne promets pas la délivrance, mais j’offre ma présence, mon bâton, et mes mots comme piliers contre le désespoir. Et tant que mes pas martèlent ces tunnels, la surface demeure une certitude, non un rêve.
< allowfullscreen="" frameborder="0" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/TMrzz4yx_bU?si=FBCK-9Qp6ikLGgYS" width="560">>
— « Méfiez-vous des faux prophètes, qui viennent vers vous déguisés en brebis, mais qui en fait sont des loups voraces. »