Rencontre dans les tunnels

Chapitre débuté par Ash

Chapitre concerne : Isha,

Ce texte vaut 3 bières !

La terre gémit au-dessus de lui.
Des pans entiers du vieux métro s’étaient effondrés, transformant la rame en catacombe.
Ash Korven avançait lentement, lampe à la main, haletant sous le poids du silence.
Chaque pas dans l’eau sale résonnait comme un battement de cœur, obstiné, vivant encore dans les entrailles du monde mort.

Il s’arrêta devant un panneau tordu : “Accès interdit”.
Un rire bref lui échappa.


« C’est ce qu’ils disaient avant la fin! »

Il alluma sa cigarette, leva les yeux vers le plafond où des stalactites de rouille pendaient comme des crocs.
La flamme de son briquet vacilla, éclairant un instant son visage dur, usé par la fatigue et l’errance.

Puis une voix s’éleva derrière lui.
Grave. Calme.
Elle ne le surprit pas — elle le reconnut.

 

— « Tu ne devrais pas rire des interdits, voyageur. Ils sont parfois tout ce qu’il nous reste de sacré. »
 

Ash se retourna lentement.
Dans la pénombre, un homme se tenait debout, drapé d’un manteau noir, visage partiellement dissimulé sous une capuche usée.
Ses yeux brillaient d’une lumière tranquille, presque irréelle dans ce royaume d’ombre.

 

— « Et toi, tu crois encore au sacré ? » demanda Ash, la voix rauque.
— « Je crois que la foi n’a pas disparu. Elle s’est simplement cachée là où plus personne ne veut descendre. »
 

Un long silence tomba.
Ash fixa cet inconnu — l’Écclésiaste, ainsi qu’on l’appelait dans les murmures des survivants.
Il en avait entendu parler.
Un homme de parole, pas d’armes.
Un guide que certains disaient fou, d’autres prophète.

Ash jeta sa cigarette dans l’eau croupie.
La braise s’éteignit dans un faible pssshhh.

— « Alors c’est toi, le prêcheur des tunnels. Celui qui parle à l’obscurité. »
— « Non, »
répondit l’Écclésiaste. « Je l’écoute. »
 

La réponse frappa Ash plus qu’il ne voulait l’admettre.
Depuis combien de temps n’avait-il pas entendu quelqu’un parler avec foi ?
Pas de survie, pas de pillage, pas de loi — mais de foi.

Il baissa les yeux vers son briquet, fit tourner l’oiseau gravé du pouce.
— « J’ai longtemps marché seul. J’ai cherché une sortie, une lumière, une raison. »
Il releva le regard.
— « Mais peut-être que la lumière ne vient pas du ciel. Peut-être qu’elle se trouve ici, dans les profondeurs. »
 

L’Écclésiaste s’approcha, son ombre glissant sur les rails rouillés.
— « Tu ne trouveras pas de sortie. Pas tant que tu chercheras à fuir. »

Ash hocha lentement la tête, sans colère.
— « Alors je reste. »
— « Avec moi ? »
— « Oui. »

 

Leurs regards se croisèrent, et dans cette obscurité fétide, quelque chose passa entre eux — une compréhension muette, la promesse d’une route commune.
 

L’Écclésiaste tourna les talons.
— « Suis-moi, Ash Korven. »

Et sans un mot de plus, il s’enfonça dans le tunnel, sa silhouette avalée par les ténèbres.

Ash hésita une seconde, inspira une dernière fois la fumée tiède, puis jeta la cigarette.
Il ramassa son sac, ralluma sa lampe, et suivit l’homme de foi dans les profondeurs du monde.
Sous la ville morte, au cœur du béton et de la cendre, une flamme venait de naître.


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Le tunnel respire comme un monstre endormi.
L’air y est lourd, saturé d’humidité, d’odeur de métal et de souvenirs rouillés.
La lampe d’Ash Korven jette des éclats mourants sur les rails tordus.
Chaque pas résonne, comme s’il réveille les fantômes de ceux qui ont fui avant eux.

L’Écclésiaste marche quelques mètres derrière, capuche basse, mains jointes.
Ses lèvres bougent sans un son. Peut-être prie-t-il encore, ou peut-être parle-t-il à ce qui reste de Dieu.
Entre eux, Korowai ferme la marche.
Son souffle est court, sa peau grise de fatigue. Elle garde une main crispée sur une gourde vide, et l’autre sur son couteau émoussé.

Ils n’ont plus rien à perdre, sinon la route.
Et même celle-là, semble prête à s’effacer sous leurs pas.

 


— Tu marches trop vite, Ash, murmure l’Écclésiaste.
Le monde ne s’enfuira plus, il s’est déjà effondré.


Ash s’arrête, juste assez pour lever les yeux.
Son regard n’est plus dur, seulement las.
 

— Si je m’arrête, je pense, répond-il.
Et penser, ici… c’est mourir plus lentement.
 

Korowai les observe, silencieuse.
Sa voix, quand elle s’élève enfin, tremble un peu.
 

— Mourir lentement… c’est toujours mourir, non ?
Alors autant courir, tant qu’on a encore un souffle.
 

L’Écclésiaste se tourne vers elle, un éclat de douceur dans les yeux.

 

— Non, Korowai.
Mourir lentement, c’est apprendre à écouter ce qui reste.
À comprendre pourquoi on voulait vivre, avant tout ça.

La jeune femme baisse la tête.
Ses doigts serrent la gourde vide, comme si elle y tenait un secret.
Ash, lui, allume une cigarette. La flamme éclaire un instant son visage — des traits creusés, une barbe d’ombre, un regard où brûle encore la fatigue du monde.

— La foi, les mots… tout ça s’est noyé avec les vivants, dit-il d’une voix rauque.
On ne prie plus dans les ruines. On avance, c’est tout.
 


L’Écclésiaste ne répond pas tout de suite.
Il s’approche d’une paroi de béton, y pose sa paume. Le mur suinte lentement, comme s’il pleurait.

— La foi n’a pas disparu, Ash.
Elle s’est simplement cachée dans le silence.
Là où plus personne n’ose regarder.

Korowai ferme les yeux un instant.
Elle se souvient des rires d’avant, du goût de l’eau claire, de la chaleur d’une voix qui l’appelait par son prénom.

Puis elle rouvre les yeux sur le béton, sur la lampe, sur ces deux silhouettes qui se perdent dans l’obscurité.
 

— Vous parlez comme si on pouvait encore sauver quelque chose, souffle-t-elle.
Mais dehors, il n’y a plus rien à sauver.

Ash lui jette un regard. Pas de colère, juste une reconnaissance muette — celle de ceux qui ont compris trop tard.

— Peut-être, dit-il.
Mais tant qu’on marche, on empêche le monde de s’oublier.
Et c’est déjà pas rien.


Un long silence.
Puis l’Écclésiaste avance à son tour, sa voix presque éteinte, comme une lueur qui refuse de mourir.
 

— Non, Ash.
Ce n’est pas le monde qu’on empêche d’oublier.
C’est nous-mêmes.


La lampe vacille.
Une goutte tombe.
Et leurs trois ombres s’étirent dans les profondeurs, se fondant peu à peu à la nuit.

Trois cendres, trois souffles, trois prières que personne n’entendra.



*(s'était un songe, non une réalité, mais avouez que vous vous avez aimé !!!! ) *